Nous avons vu précédemment que ce cabinet provient de l’illustre Château de La Treyne. Nous verrons ici qu’il s’agit peut être d’un hommage à la Reine Catherine de Médicis.
Le tombeau du couple royal
Le thème des Sept Vertus est très peu courant. Nos recherches n’ont pas permis à ce jour de trouver un autre cabinet d’ébène orné de cette allégorie.
On peut constater que le tombeau de Catherine de Médicis et d’Henri II situé à la cathédrale de Saint Denis est justement consacré à ces vertus. Les quatre vertus cardinales sont présentées en allégories aux quatre coins du tombeau et les trois vertus théologales sculptées en bas-relief sur les soubassements.
Le panneau de gauche du cabinet est tout aussi intrigant en raison de la rareté du thème. Que ce soit en estampe, gravure ou tapisserie, Amphitrite n’est presque jamais représentée seule. En effet, Poséidon l’accompagne souvent sur son char escorté par des montres marins et autres Néréides. Lorsqu’elle n’est pas accompagnée, elle présente régulièrement une attitude passive. On peut alors se questionner sur la raison d’un tel choix montrant une Déesse seule aux commandes, tenant les rênes de son char, allant ainsi à l’encontre de l’iconographie courante. Selon Agnès Bos, « On peut supposer que le commanditaire choisissait lui-même l’iconographie mais dans un registre limité ». Le registre est compris dans les limites de certaines gravures ou modèles que pouvait proposer l’ébéniste.
Catherine de Médicis, figure importante du XVIe siècle, fut Reine de France et Régente du Royaume de France. Elle exerça de grandes responsabilités pendant la guerre d’Henri II contre Charles Quint notamment concernant l’approvisionnement des armées. Elle eut aussi un rôle important lors des conflits religieux entre catholiques et protestants.
Deux thèmes peu courants
La combinaison de deux thèmes rares sur les cabinets d’ébène, les Sept Vertus que l’on retrouve sur le tombeau de Catherine de Médicis et Amphitrite seule en posture de dirigeante, rappelant les grandes responsabilités de la Reine, est intrigante.
On peut également ajouter un détail amusant découvert lors de l’inventaire des meubles de Catherine de Médicis. On trouve en effet la trace d’un petit cabinet d’ébène avec les « pilliers tournez à l’entour » comme le piètement du cabinet aux Sept Vertus.
Nous savons que le Château de La Treyne est considéré comme un repaire de Huguenots au XVIe siècle. Pourquoi le seigneur du château commanderait ou ferait l’acquisition d’un cabinet rendant hommage à une Reine ayant pris parti pour les catholiques au détriment des protestants ? La réponse peut se trouver quelques générations plus tard.
En effet, le testament daté en 1701 de Gédéon II de la Ramière, descendant des seigneurs de La Treyne nous apprend que ce dernier avait abjuré la foi protestante. On peut supposer que ce choix, qui est intervenu aux alentours de la publication de l’Edit de Fontainebleau interdisant la foi protestante, a été fait pour des raisons évidentes. La pression sur les protestants exercée par Louis XIV est, elle, plus ancienne car elle commence dès le début du règne de Roi Soleil, c’est-à-dire en 1643. La lignée de La Ramière sent donc depuis plusieurs décennies l’étau se resserrer autour de sa confession familiale avant son interdiction totale.
Dans un tel contexte, la commande d’un cabinet en hommage à Catherine de Médicis pour le château de La Treyne peut, au-delà d’une conversion évidemment nécessaire et peut-être souhaitée, apporter un gage supplémentaire de sincérité dans un contexte religieux très tendu. Ajoutons que la Reine de France, dans un souci de conciliation entre protestants et catholiques, avait créé l’édit de Janvier 1562 dit édit de tolérance. Nous allons voir que les dates que nous venons de citer s’accordent avec celles de création du cabinet des Sept Vertus.
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