Grand cabinet en ébène richement sculpté de motifs naturels et de moulures ondulées. Ce type de cabinet en ébène, que l’on peut voir au château d’Ambleville, au musée du Palais Fontainebleau et au Louvre, est représentatif de la première moitié du XVIIe siècle. Ces quelques pièces exceptionnelles, conservées au château de Serran, en Angleterre et à Amsterdam, sont à l’origine du terme « ébéniste » : Au XVIIe siècle, des menuisiers hollandais qui sculptaient l’ébène, un bois exotique et très coûteux, se sont installés en France.
Ce cabinet en ébène se caractérise par la richesse de la sculpture, non seulement sur le panneau principal, mais aussi sur les côtés et sur les tiroirs intérieurs et extérieurs. La complexité de l’intérieur est également frappante. L’extérieur monochrome simple contraste étonnamment avec l’intérieur du théâtre richement coloré.
Des ornements typiques de la France du XVIIe siècle
Le répertoire décoratif de ce meuble s’inscrit parfaitement dans le style français de la première moitié du XVIIe siècle. Selon Valérie Carpentier, conservateur du patrimoine au château de Fontainebleau, les rinceaux, angelots, feuilles et guirlandes sont particulièrement proches de l’art du sculpteur Jacques Sarrazin. On remarque également fleurs et oiseaux sur les tiroirs intérieurs ainsi que des bouquets du côté intérieur des deux vantaux principaux. Cette gravure particulièrement mise à l’honneur met l’accent sur le naturel et les fleurs, en accord avec l’intérêt croissant pour les fleurs au XVIIe siècle, alors que de nouvelles variétés exotiques étaient importées et familiarisées en France.
Ouvrant à deux tiroirs dans sa frise supérieure sculptés de chérubins, rinceaux et motifs floraux. En façade, ses deux larges vantaux sont sculptés de scènes prises dans des médaillons. A droite, l’épisode biblique de la fuite de la Sainte Famille en Egypte suite au massacre des Innocents par Hérode. La gravure originale est de François Perrier, cofondateur de l’Académie royale de peinture et de sculpture, graveur et peintre dont les tableaux sont présents dans les collections de Louis XIV. A gauche, la Nativité veillée par les anges, dans le goût de Michel Dorigny, graveur et peintre qui travailla notamment pour la reine Anne d’Autriche.
Un théâtre richement décoré
A l’intérieur, les deux petits vantaux gravés de paysages monochromes représentant le jardin d’Eden avec ses chérubins ailés. Ouverts, ils laissent découvrir un ensemble de onze tiroirs aux moulures ondées plaqués d’ébène à un décor ciselé de fleurs, fruits, feuillages et volatiles et encadrant deux portillons.
Le caisson intérieur dévoile un beau théâtre en placage de satiné, amarante, ébène, ivoire et ivoire teinté vert. Il se compose d’une balustrade de cuivre en partie haute. Le sol à damier au premier plan fait place à un second en perspective. Au fond, une marqueterie fine et composée d’ivoire prolonge la perspective par un damier pour arriver à un portique encadré de colonnes et donnant sur une église dans un paysage. Au plafond, une première demi-rosace en ivoire est prise dans une seconde plus grande. De chaque côté, deux portiques amovibles à colonnes torsadées et surmontées de chapiteaux en bronze encadrent des personnages gravés. Ces deux portiques laissent découvrir six petits tiroirs secrets. Une discrète tirette découvre un nouveau plateau marqueté et ajoute à la complexité et à l’élégance de cet intérieur. L’intérieur des petits vantaux marquetés de roses des vents.
Bien que dans le cas de ces cabinets en ébène l’attribution est un exercice délicat, l’abondance et la précision des sculptures sur les vantaux, tiroirs et panneaux latéraux et la complexité du théâtre intérieur de cette pièce laissent deviner une commande prestigieuse. On remarque notamment que la balustrade de cuivre du théâtre évoque les cabinets du Louvre, de Fontainebleau ainsi que le cabinet du château de Serrant attribué à Pierre Gole. La marqueterie vive et contrastée de ce caisson intérieur renvoie également au style de ce dernier, ébéniste de Louis XIV. Ajoutons également que le damier du fond du théâtre en perspective fait également partie des critères d’attribution à Pierre Gole retenus par Th. H. Lunsingh Scheurleer, historien de l’art et spécialiste de Gole.
Travail Français du XVIIème siècle.
Restaurations d’usage notamment dans les fonds ainsi qu’un petit tiroir.
Le piétement torsadé en bois noirci est postérieur au XVIIe.
Hauteur: 159 cm
Largeur: 137 cm
Profondeur: 53 cm
Bibliographie : Secrets d’ébène par Valérie Carpentier, conservateur du patrimoine au château de Fontainebleau.